exemples de dessins en noir et blanc

Aujourd’hui, on va parler de noir et blanc et de comment travailler les ombres et lumières pour donner du relief et de l’impact à ses dessins ou son manga ! On vous a peut-être déjà dit que vos pages manquaient de contraste, que vos dessins en noir et blanc n’étaient pas assez lisibles ? Ça tombe bien, c’est exactement le sujet de cet article !

Pourquoi c’est difficile de dessiner en noir et blanc ?

Le dessin en couleur demande de la technique, des connaissances théoriques et un certain nombre de tâtonnements pour avoir un résultat qui nous plaît, ce qui peut donner l’impression que dessiner en noir et blanc est plus facile. Et c’est vrai que c’est souvent plus rapide ! Ce n’est pas pour rien que les dessinateurs de mangas, avec leurs cadences très intenses, travaillent en noir et blanc.

Par contre, ça n’est pas forcément plus simple. Avec le noir uniquement, on peut vite se retrouver limités : là où une illustration en couleur offre une large palette qui permet de séparer les éléments et avoir une variété dans les ombres et lumières pour rendre le dessin plus lisible, le noir et blanc est beaucoup plus restrictif et peut perdre tout impact s’il est mal utilisé.

impression soleil levant, un tableau qui repose sur la couleur et perd tout impact passé en noir et blanc
Mettez le célèbre tableau « impression, soleil levant » en noir et blanc, et il perd tout son intérêt. Le soleil, élément central de la peinture, devient même invisible !

Un dessin sans couleurs va se limiter à un dégradé de niveaux de gris… quand ce n’est pas uniquement un noir et blanc pur. Cette option est la plus limitée, mais bien utilisée, dessiner en noir et blanc peut avoir beaucoup d’impact !

Historiquement, manga et BD évitent les niveaux de gris pour faciliter la reproduction et l’impression. Aujourd’hui, les techniques d’impressions ont beaucoup progressé, permettant une impression plus fine et la reproduction de gris, mais les habitudes ont la vie dure, et ces éléments (ligne claire, trames) font maintenant partie des codes de la BD et du manga.

La lisibilité de l’image

L’avantage principal du noir et blanc, c’est que le contraste est maximal. Un noir sur un fond gris, ou un gris sur un fond blanc sera moins visible (et lisible) qu’une impression en noir pur. De la même manière, même s’il est tentant de rajouter beaucoup de détail sur son dessin, cela peut lui faire plus de mal que de bien. Il arrive que les traits principaux finissent noyés au milieu des effets de texture et que le dessin, vu de loin, ressemble à un truc gris avec des zones plus ou moins claires. Il est important de conserver ce contraste pour que l’image soit lisible et ait de l’impact.

La lisibilité, c’est le fait que l’image soit facilement compréhensible par ceux qui la voient : est-ce que vous avez représenté un visage ? Un décor ? À qui appartient ce bras dans votre dessin de trois personnes qui se font un câlin ? Est-ce qu’on comprend bien les différents plans ?

L’impact visuel est souvent lié à cette dernière, mais va au-delà : c’est la capacité d’un dessin à être mémorable. Est-ce que le dessin ressort de loin et attire l’attention ? Est-ce qu’il a des lignes de force bien visibles ? Et encore au-delà de ça, est-ce qu’il véhicule une idée forte, qui se comprend immédiatement ?

dessiner en noir et blanc, c'est chercher le contraste pour donner de l'impact à son image.
Sur la page de droite du manga L’Atelier des sorciers, le décor disparait pour laisser place à l’action, et met en valeur le mouvement et le détail de l’eau à laquelle s’arrache le bateau (avec une ligne de force en S). Puis il réapparait une fois l’action stabilisée, quand le personnage peut de nouveau se concentrer sur autre chose.

Ces deux aspects font la qualité d’un dessin, tout particulièrement en noir et blanc. Voici donc quelques pièges à éviter et conseils pratiques pour mieux dessiner en noir et blanc.

Une composition de l’image au service de l’impact

La composition de l’image, c’est à la fois ce qu’on choisit de mettre dans l’image, et la manière dont on l’organise. Pour améliorer sa lisibilité, voici quelques questions (que je vais développer ensuite).

  • Quel est l’élément le plus important de l’image ? Réfléchissez à son emplacement, et à la manière dont vous voulez le faire ressortir.
  • Au contraire, quels sont les éléments moins importants, que vous pourriez esquisser, ou même retirer de votre image pour la rendre plus lisible ?
  • Est-ce que les différents plans de votre image se détachent bien ?

Commençons par les plans de l’image. Si vous avez beaucoup de plans différents, une technique classique du dessin en noir et blanc est d’alterner les plans clairs et foncés (avec, éventuellement, des variations en niveau de gris ou des textures). Pour que cette technique fonctionne bien, il vaut mieux que les plans soient bien séparés… d’où l’importance de composer son image en fonction des contraintes du noir et blanc !

séparer les plans en alternant les zones claires et foncées et une technique clé pour dessiner en noir et blanc
Observez comment les éléments de l’image contrastent : le bras et les habits d’Edward Elric, noirs ou presque, contrastent devant le brouillard blanc, tandis que l’arrière-plan tramé permet de faire ressortir sa tête du fond de la page.

Pour éviter les carambolages entre les différents plans, n’hésitez pas à faire la chasse aux nœuds graphiques. Les nœuds graphiques, c’est tous ces petits endroits où les lignes se prolongent ou se superposent alors qu’elles appartiennent à des plans ou des éléments différents. Parfois, il suffit de décaler légèrement un élément par rapport à l’autre pour rendre l’image plus lisible. Il est toujours utile de faire attention à ces détails en dessinant, mais quand on ne peut pas utiliser la couleur pour séparer les éléments, ces nœuds graphiques peuvent être encore plus gênants.

les noeuds graphiques (zones ou plusieurs traits/plans entre en collision) nuisent à la lisibilité d'un dessin.
À gauche, de nombreux nœuds graphiques peuvent être corrigés en déplaçant un peu les éléments les uns par rapport aux autres. Limiter le nombre de lignes ou de plans qui se rencontrent améliore la lisibilité de l’image !

Pour approfondir le sujet de la composition, je vous invite à consulter l’article de Karine sur les techniques de composition des illustrations et planches de BD.

Utiliser l’encrage pour donner du volume

Après la composition vient l’encrage de votre dessin en noir et blanc. Selon l’épaisseur du trait, vous pouvez plus ou moins mettre en valeur les éléments de votre image. Une utilisation classique est de faire un encrage plus épais pour les éléments au premier plan et pour les contours de chaque plan. J’en parle plus en détail au début de mon article sur comment donner de la profondeur à son dessin en perspective.

Un trait plus épais aura plus d’impact (il sera plus visible de loin et séparera mieux les éléments) et apprendre à jouer sur les différences d’épaisseur est un aspect crucial du dessin en noir et blanc. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les auteurs de BD et mangakas travaillent le plus souvent à la plume.

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Un kit de démarrage pour s'entrainer à dessiner des mangas avec une plume à dessin.

C’est un des meilleurs outils pour jouer sur les pleins et déliés sans avoir à en changer en permanence d’outil (pour le dessin sur papier en tout cas).

Dessiner en noir et blanc, c'est aussi jouer sur l'épaisseur de l'encrage pour améliorer la lisibilité de ses dessins !
Au milieu de cette profusion de détails, les contours des personnages et des gâteaux, bien plus épais que le reste, structurent le dessin (Le monde de Ran, Aki Irie)

Et si vous vous demandez si c’est si important de sélectionner certains éléments par rapport à d’autres (par exemple, si vous aimez BEAUCOUP faire des petits détails), dites-vous que c’est un peu comme relire un cours avec un surligneur pour en faire un résumé. Si vous soulignez tout le texte, cela veut dire que tout est important… mais aussi que rien ne l’est plus que le reste ! Comment allez-vous être synthétique si vous ne retirez aucune information ?

Les ombres et lumières : sacrifier les détails pour améliorer l’ensemble

Jouer sur la profondeur de l’image en utilisant l’encrage, c’est un peu le B. A. Ba du dessin en noir et blanc, mais on peut ajouter de l’impact en travaillant sur la lumière elle-même. En effet, les pleins et déliés peuvent aussi donner du volume en suggérant les ombres, les plis, etc. de manière minimaliste.

L'encrage peut donner des information sur les volumes, ombres et lumières représentées.

Pour cela, il est important de bien comprendre la (ou les) source(s) de lumière, mais aussi le volume des objets. Pour ça, rien de tel que du dessin d’observation ! Si vous voulez travailler cet aspect, vous pouvez vous entrainer au modèle vivant sur le site Line-of-action, en travaillant avec un outil qui permet les pleins et les déliés. (L’idéal est de s’entrainer au pinceau pour pousser au maximum les variations du trait.)

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Il est toujours utile de savoir quels sont les éléments clés de votre dessin pour les mettre en valeur. L’idéal, c’est que ce soit cet élément principal qui contraste le plus : si l’ensemble de votre dessin est plutôt sombre, cet élément doit être clair pour sauter aux yeux. À l’inverse, si cet élément est sombre, mieux vaut ne pas rajouter trop de détails autour de lui pour ne pas assombrir la zone qui l’entoure.

Le contraste est un élément clé du dessin en noir et blanc, et les mangakas l'utilisent très bien (extrait de L'Atelier des sorciers)
Les hachures donnent du volume au personnage, tandis que le fond noir le fait ressortir en découpant sa silhouette (L’Atelier des sorciers, Kamome Shirahama)

Vous pouvez également accentuer les contrastes en jouant sur les détails ou leur absence. Votre premier plan est sombre et ce que vous voulez mettre en avant est un personnage habillé de blanc au deuxième plan, derrière un décor détaillé ? Pourquoi ne pas remplacer tous ces détails du décor par un noir total ?

De la même manière, si vous voulez donner une impression de luminosité intense, il vaut mieux épurer un maximum, quitte à limiter l’encrage à quelques zones d’ombre pour donner une impression d’éblouissement. Dans un cas comme dans l’autre, on peut obtenir un impact visuel fort en abandonnant les détails ou l’arrière-plan de l’image, pour se concentrer sur l’essentiel.

Simplifier avec des aplats noirs rempli l'image et augmente l'impact de la page (Extrait de Fullmetal Alchemist)
Le décor (une pièce vide) est à peine représenté, tandis que le fond noir fait ressortir les personnages tout en créant une atmosphère pesante. Observez la première case, qui se réduit à des ombres chinoises ! (Fullmetal Alchemist, Hiromu Arakawa)

Ce genre d’aplat augmente l’impact de votre image et peut permettre d’équilibrer votre planche de manga. En dessinant un manga, il est important de réfléchir à la proportion de noir, blanc et gris sur l’ensemble de votre page, soit avec un certain équilibre, soit en jouant sur des effets de dégradé ou de composition pour servir le récit.

Les limites du noir et blanc

Dans le cinéma, on cherche une certaine homogénéité dans l’éclairage pour qu’il semble être cohérent durant la scène (même si ça n’est pas toujours tout à fait vrai). Pour dessiner en noir et blanc, on peut jouer les éclairagistes en pensant au placement de la lumière en faisant le découpage de ses planches, pour « fixer » le lieu et donner un ensemble logique.

On peut aussi se permettre plus de libertés pour améliorer la lisibilité et l’impact de l’image. Plus votre style est épuré et contrasté, plus les partis-pris audacieux (comme les ombres chinoises et les changements de lumières/contrastes) sembleront naturels et cohérents.

Malgré tout, il faut nuancer. Ce parti-pris ne sera pas toujours le meilleur choix. Un aplat noir peut manquer de lisibilité : par exemple, pour un vêtement de personnage, on peut vouloir ajouter des contours blancs à l’intérieur de la zone pour que le lecteur sache quelle est la position du bras. Ou encore, si votre but est de présenter un nouveau lieu dans votre BD, il serait dommage qu’il soit à peine esquissé.

Bref, de la même manière que noyer les lecteurs dans les détails peut nuire à la lisibilité d’un dessin, utiliser un style trop contrasté et épuré sur l’ensemble d’une BD peut devenir fatiguant à la lecture, ces dessins demandant des efforts au lecteur pour reconstituer les informations manquantes et « recréer » ce qui n’est pas représenté.

Extrait de Frank Miller : un gros travail en noir et blanc sur les contraste et textures
Frank Miller est un affreux jojo, mais son travail sur le noir et blanc dans Sin City mérite le coup d’œil. Les partis pris sont marquants, en reposant beaucoup (parfois même trop ?) sur ce que notre cerveau reconstitue à la lecture.

La conclusion est donc assez logique : les possibilités sont déjà riches juste avec du noir et blanc, mais il peut être utile de rajouter des niveaux de gris, que ce soit pour travailler davantage les ombres et lumières, donner plus de volume, nuancer les ambiances… ou simplement parce que ce style épuré et très contrasté ne vous convient pas. C’est le moment d’utiliser des gris, trames ou textures !

Les gris, trames et textures

Vous vous dites peut-être « mais, les hachures, les effets de texture faits à la plume et compagnie, cela fait partie de l’encrage, pourquoi les mettre dans le même sac que les gris et les trames ? »

Tout simplement parce que là où l’encrage consiste (en gros) à délimiter des zones, les textures, hachures et trames remplissent une surface (plus ou moins grande. Leur impact visuel sera également différent : si vous regardez de loin, vos hachures seront vues comme un gris plus ou moins foncé… de la même manière que des trames ou de véritables gris.

Comment utiliser les gris ?

En délimitant des zones

Par définition, les gris sont des intermédiaires entre le noir et le blanc. Dans leur utilisation la plus simple (en aplats unis), ils permettent d’ajouter un ou deux intermédiaires, très utiles quand on a beaucoup de plans différents qui s’intercalent ou que l’on veut pouvoir ajouter des détails sur des éléments sombres.

Les aplats de trames permettent de séparer les plans de l'image pour la rendre plus lisible (A silent voice)
Dans cette page du manga « A silent voice », l’auteur a utilisé les trames pour faire ressortir les personnages du décor (ou fond blanc) pour augmenter l’impact de la scène.

On peut ajouter autant de gris intermédiaires qu’on veut (par exemple, en utilisant de nombreuses trames), mais tout comme en ajoutant de trop nombreux détails à l’encrage, cela peut desservir le dessin en lui faisant perdre tout son impact, l’encrage disparaissant dans un mélange de gris plus ou moins sombres. Alors je vous glisse une petite info pour vous pousser à l’économie en utilisant les gris : il existe en mathématique le théorème des 4 couleurs, qui dit qu’on peut utiliser une carte de pays ou régions en 4 couleurs seulement, sans qu’une même couleur se touche sur plus d’un point à la frontière entre deux pays/régions.

Ainsi, même si vous vouliez avoir des zones qui se touchent avec des valeurs différentes, vous devriez pouvoir composer votre image avec le noir, le blanc du papier, et 2 ou 3 niveaux de gris différents. Si vous avez besoin d’en utiliser davantage pour séparer les éléments, c’est sans doute le signe que votre composition est à revoir : est-ce qu’elle n’est pas trop fouillis ? Avez-vous bien fait la chasse aux nœuds graphiques ?

Bien sûr, cela ne veut pas dire que vous êtes obligés de mettre des trames pour rendre votre image lisible. On l’a déjà vu, il existe des BD ou mangas dont les planches ont un bel impact sans utiliser la moindre trame. De la même manière, vous n’êtes pas obligés de vous limiter à deux trames sur l’ensemble de votre manga, si vous avez envie de mettre des trames étoilées ou des motifs à fleurs… rien ne vous en empêche ! L’important, c’est qu’elles soient utiles à votre dessin, qu’elles améliorent son impact visuel ou qu’elles servent l’impression que vous voulez faire passer.

Utiliser les gris en recréant du volume et des effets de lumière

Quand on utilise des trames, on peut vouloir « colorier des zones » en faisant des aplats, mais on peut aussi vouloir donner du relief en appliquant des ombres sur une même zone : les cheveux, le visage, les plis des vêtements ou l’ombre sur un mur… Travailler les ombres et lumières donne plus de volume à son dessin et peut permettre de créer des atmosphères bien plus riches que le feront de simples aplats unis.

Les trames, superposées et modelées, permettent de reconstituer toutes sortes de nuances de gris. (extrait de Zetman)
Sur cette page de Zetman, l’auteur a pris le temps de superposer des trames et de les gratter pour créer des effets de lumière et modeler le décor pour recréer des niveaux de gris.

Vous pouvez même jouer sur les textures au niveau de la démarcation des ombres et lumières : que ce soit avec une ligne bien nette, un dégradé pour adoucir ou en suivant le volume de vos plis et mèches de cheveux. Vous pouvez aussi superposer des trames ou aplats unis avec les ombres pour travailler encore plus la profondeur.

Mais attention ! Si vous travaillez vos trames ou niveaux de gris pour créer du relief, il est important que vous sachiez d’où viennent les sources de lumière pour rester cohérent (par exemple, une erreur classique peut être de faire un reflet lumineux dans l’œil, et de placer l’ombre sur le visage du même côté ! Si vous pensez que c’est sans importance, sachez que ce manque d’unité, s’il n’est pas forcément remarqué par les lecteurs, peut créer un sentiment confus « quelque chose ne va pas dans ce dessin, mais je ne sais pas quoi ». Il peut aussi diminuer l’impact que vous vouliez créer avec l’éclairage en cassant la dynamique des ombres et lumières.

Astuce
Pour éviter ce piège, n'hésitez pas à crayonner des petites flèches pour indiquer la direction de la lumière dans vos marges. Si vous avez des lumières en avant/en contre-jour, vous pouvez les crayonner en 3D pour ne pas oublier ces variantes.
Bien placer ses ombres et lumières est un élément-clé pour dessiner en noir et blanc. Utilisez des flèches pour ne pas oublier la direction de la lumière.

Enfin, tout comme il peut être utile de simplifier l’arrière-plan de son dessin pour augmenter l’impact, il faut parfois se faire violence pour laisser l’ombre dans l’ombre et ne pas faire de rehauts blancs sur des zones qui ne devraient pas être éclairées. Tant pis pour les jolis détails de l’encrage ! (L’avantage, c’est que la prochaine fois, vous saurez que vous pouvez passer moins de temps à cet endroit.)

Astuce 
Pour une image complexe ou une page de manga, n'hésitez pas à gribouiller une ou plusieurs vignettes en miniature de votre dessin pour tester l'équilibre noir/blanc/gris : cela vous permettra de voir si les zones font un ensemble harmonieux, et peut-être revoir votre composition. Vous pourrez, par exemple, vouloir changer le placement de la lumière pour accentuer une ligne de force, ou vous rendre compte qu'en mettant l'arrière-plan en noir, votre page sera trop sombre et perdra en lisibilité. Cela vous évitera d'être déçus par le résultat final !

Utiliser les textures, hachures et lavis

Certains mangas ou illustrateurs utilisent peu ou pas de trames, et pourtant, leur dessin semble avoir beaucoup de relief. Dans ce cas, c’est en faisant des hachures ou effets de textures à la plume que le dessin prend vie !

Vous pouvez par exemple :

  • Faire des hachures, pour créer des effets de dégradés.
  • Faire des motifs : rayures, carreaux, motifs floraux…
  • Faire des effets de texture : bois, crépi qui se décolle, terre, feuillage…

La première chose que je vous conseille, c’est de « choisir ses combats ». Il est difficile de mélanger ces trois aspects de manière harmonieuse… pour commencer, je vous conseille de vous concentrer sur une ou deux de ces techniques, et surtout éviter de les accumuler sur une même surface, au risque de finir avec une zone gribouillée et peu lisible.

Les hachures pour des effets d’ombre et lumière

Les hachures sont la solution idéale pour dessiner en noir et blanc, quand on veut modeler un élément et lui donner du volume sans utiliser de trame : en jouant sur l’épaisseur du trait, on peut donner une illusion de dégradé. Il est aussi possible de superposer plusieurs directions de hachures pour accentuer cet effet et aller progressivement du blanc au noir.

Enfin, et c’est sans doute le point fort des hachures, vous pouvez suivre le volume de l’élément représenté pour donner une impression de relief. Comme les rayures d’un vêtement s’arrondissent sur l’épaule, les hachures se dessinent tout en courbes pour donner un effet de relief. Bien utilisées, elles peuvent aussi participer à l’impact du dessin en suivant les lignes de force.

Les hachures permettent de modeler un dessin en noir et blanc pour créer du volume (Extrait de L'Atelier des sorciers)
Observez comment le mouvement de la cape est souligné par les ombres, et comment les hachures au fond de la dernière case sont dans la continuité du mouvement de la robe du sorcier (L’Atelier des Sorciers, Kamome Shirahama)

Motifs et textures pour remplir les zones

Les motifs ou textures sont un peu comme des hachures améliorées : ils peuvent apporter une grande richesse, et s’ils sont faits à la main, donneront une « patte » unique à vos dessins. Attention tout de même à ne pas en mettre partout, d’une part pour conserver l’impact de son image, d’autre part parce que… c’est beaucoup de travail !

Pour éviter ces écueils, vous pouvez utiliser vos effets de texture comme vous le feriez d’une trame, en choisissant les zones où vous allez en mettre et à quel point elles vont assombrir le dessin. Ainsi, vous conserverez de bons contrastes et aurez une image avec un meilleur impact que si vous en mettiez partout !

Pour donner un bel effet de relief, textures et motifs devront eux aussi suivre le mouvement de votre dessin : l’orientation d’un meuble jouera sur les veines du bois, les rayures se perdront dans les plis du vêtement… Vous comprenez qu’à moins de partir sur un dessin très stylisé (comme celui de XXXHolic, par exemple) il ne suffit pas de plaquer un motif à carreaux sur une chemise pour donner du relief à son dessin !

Si vous encrez sur papier, il faudra garder le volume de vos éléments en tête au moment de dessiner en noir et blanc. Si vous êtes sur ordinateur et utilisez des textures préexistantes, il faudra les déformer pour suivre le mouvement. C’est embêtant sur le coup, mais vous verrez que le rendu sera bien meilleur !

Bien sûr, en travaillant ces textures, vous pouvez aussi les accentuer plus ou moins pour jouer sur le volume ou les ombres : des traits plus épais ou nombreux sur les parties les plus proches de l’observateur ou celles qui sont moins éclairées aideront à modeler l’image sans ajouter de trames ou de hachures

Les motifs, en épousant les formes, permettent aussi de donner du volume à l'image (Extrait de Bride stories)
Observez comment les motifs suivent la perspective et le mouvement du tissu, comment certains motifs sont très sombres et d’autres à peine esquissés… Bride Stories est un manga riche en motifs et hachures, mais si vous le lisez, vous verrez que Kaoru Mori sait aussi épurer son dessin pour donner plus d’impact aux scènes d’action !

Bref, le travail des textures est sans doute l’option la plus riche pour dessiner en noir et blanc. Malheureusement, elle est aussi assez exigeante techniquement et prend du temps. À vous de choisir entre trames, hachures, textures et motifs, sachant que chacun a ses points forts et points faibles. Le tout est que cela s’harmonise bien avec votre dessin !

Trames et impression

Quand on dessine en noir et blanc, il est important de faire la différence entre la bichromie et les niveaux de gris. Que ce soit un gris 50 % sur son ordinateur ou un lavis d’encre de Chine sur papier, il s’agit d’une nuance entre le noir et le blanc. Ces nuances permettent d’élargir la palette, de modeler en douceur les volumes, de faire des dégradés, ou de rendre plus lisible une composition complexe… Mais, quelle que soit la technique utilisée, le gris, au moment d’être imprimé, sera toujours transformé en trame noire plus ou moins dense, plus ou moins régulière.

Un dessin en niveau de gris sera toujours tramé une fois imprimé (comparaison entre dessin et version imprimée)
Le lavis gris de cette case de ma BD, une fois imprimée, est retranscrit en trame (celle-ci est assez fine, mais cela varie d’un imprimeur à l’autre)

La qualité d’impression est aujourd’hui assez fine pour que l’on ne remarque plus vraiment ces trames à l’œil nu, mais elle peut poser des problèmes quand on utilise des trames qui ne sont pas à la bonne échelle par rapport à la résolution d’impression (les fameux « moirages »).

Ce problème peut aussi se rencontrer avec des traits ou hachures très fines, qui peuvent soit disparaitre à l’impression, soit être pixelisés. Évitez donc de faire des hachures très, très fines, surtout si vous réduisez beaucoup votre image pour l’impression : vous risqueriez d’être déçus !

Si vous voulez imprimer des trames, prenez le temps de vous renseigner auprès de votre imprimeur, et travaillez directement dans le format et la résolution finale sur votre ordinateur. Et si vous avez trop peur d’avoir des problèmes à l’impression, pas de panique ! D’autres solutions existent :

  • Envoyer votre document en niveaux de gris. L’imprimeur convertira directement pour l’imprimante et il n’y aura qu’une « couche » de tramage. (Vérifiez quand même qu’il est d’accord !)
  • Utiliser des trames maison, volontairement irrégulières. Vous pouvez en profiter pour donner un style unique à votre BD !
  • Prendre le parti de rester en noir et blanc. Après tout, vous l’avez vu avec cet article : rien qu’avec les hachures, les pleins et déliés, les possibilités sont immenses… Sans compter que simplifier son dessin en supprimant les niveaux de gris et les détails de texture peut lui donner encore plus d’impact !

Conclusion

Je pense que vous l’aurez compris en lisant cet article, dessiner en noir et blanc est tout un art. Loin d’être limitante, cette contrainte ouvre plein de possibilités techniques qui peuvent être une occasion de progresser, même si vous voulez aussi dessiner en couleur ! C’est l’occasion de travailler la composition et les valeurs. Et si vous n’êtes pas inspirés, vous pouvez toujours faire des études de photos en noir et blanc pour observer les ombres et lumières, par exemple en allant faire un tour sur le site de Robert Doisneau, qui a fait de nombreuses photos noir et blanc.

Il existe plein de manières de traiter le noir et blanc : en jouant sur des contrastes forts pour avoir un maximum d’impact, en modelant les ombres et lumières avec des trames, des niveaux de gris ou des lavis, en jouant sur les hachures pour ajouter du mouvement au dessin, etc. Tout dépend de votre style ou des ambiances que vous voulez transmettre… A vous de tester ces techniques pour trouver celles qui vous conviennent !

Illustration d'Astate, au stylo bille et lavis de gris

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