Plan de travail 1

Si vous travaillez sur votre premier projet BD/manga, il est possible que vous ayez déjà commencé à réfléchir à votre illustration de couverture. Quel que soit le style, la technique ou le support, il y a quelques règles de base à connaitre autour du processus de création et je vous propose de les aborder avec vous.

Cela n’en a pas l’air mais l’acheminement est plus compliqué que l’on ne croit et demande de la préparation et de la patience avant de pouvoir se mettre à dessiner. Il ne suffit pas de simplement poser un personnage et un titre sur une feuille (c’est possible mais cela sera moins attractif qu’une mise en scène) pour arriver à faire une illustration de couverture percutante.

Pour comprendre ce dont on a besoin pour réussir ce type d’illustration, il faut avant tout se poser plusieurs questions : à quoi va servir cette illustration ? comment représenter une ambiance ? comment utiliser la composition pour véhiculer un message ?  

Une illustration, qu’est-ce que c’est ?

Une illustration est une œuvre représentant un sujet sur un seul ou plusieurs support (dans ce dernier cas nous appelons ça un diptyque s’il y en à 2, triptyque si 3 ect.). Elle permet de montrer la représentation d’une scène, une idée, un personnage, un concept ou un moment d’une histoire. 

Illustration Little Thunder
par Little Thunder
Exemple de diptyque, "Triomphe de la chasteté" par Piero della Francesca
Exemple de diptyque, « Triomphe de la chasteté » par Piero della Francesca

L’illustration est utilisée depuis des millénaires, dans de multiples domaines, sous différentes formes, pour véhiculer toutes sortes d’informations. On l’utilisait dans la Grèce antique par exemple pour raconter les exploits d’Hercule ou même des scènes de la vie quotidienne sur des pots en terre cuite. Bon nombre de scènes issues de textes religieux ont fait l’objet d’une représentation sur des tableaux. Et de nos jours, l’illustration est toujours omniprésente dans notre quotidien avec par exemple : la signalétique, les pochettes d’albums de musique ou encore la publicité sans vouloir être trop exhaustif.

1024px Lernaean Hydra Louvre CA7318
Héraclès combattant l’Hydre de Lerne, 540-530 av. J.-C
1280px The Last Supper Leonardo Da Vinci
« La Cène », Léonard de Vinci,
1495-1498
94327 les membres virtuels du groupe gorillaz sur la pochette de l album demon days
Pochette de l’album « Demon Days », Gorillaz, 2005

Comment l’illustration s’inscrit-elle dans le manga ?

Les mangas, BD et autre romans graphiques sont composés d’une succession d’illustrations choisies et mises en page de sorte à ce que l’on puisse comprendre une histoire. Chaque auteur voulant être efficace doit réfléchir à la composition de l’intérieur de chaque case ainsi que celle, plus globale, de la planche en entier ou des double-pages.

Pour en savoir plus sur la composition inhérente aux pages de mangas, je vous invite à lire les conseils de Maylis sur la composition en double-page.

Double page Black Butler, Tome 29, Chapitre 150, Le majordome fascine par Yana Toboso
Double page Black Butler, Tome 29, Chapitre 150, Le majordome fascine par Yana Toboso

Les choix de composition ne seront pas les mêmes si on doit véhiculer une information en plusieurs ou une seule image.

En BD, on va avoir plusieurs pages pour raconter une scène et permettre au lecteur de suivre une succession d’actions. C’est en regardant les images les unes après les autres que le cerveau va comprendre le message de l’auteur.

Mais l’illustration de couverture, quant à elle, porte la lourde tâche de devoir faire comprendre au lecteur de quoi parle l’histoire, en une seule image. La réflexion et le choix de la composition pour cette illustration sont donc des étapes cruciales ! Rien ne doit être laissé au hasard !

En plus de refléter votre histoire, c’est l’illustration de couverture qui va donner envie (ou non) au lecteur d’acheter votre tome plutôt qu’un autre. Oui, la couverture a la responsabilité importante d’être attractive, intrigante tout en restant claire et lisible pour les lecteurs potentiels. C’est ce qui fait d’elle un élément marketing important.

L1D88051
Couverture de « Detective Conan » par Gosho AOYAMA
L1K86227
Couverture de « Kuro, un coeur de chat » par Sugisaku

Notez que c’est par le biais de la couverture que le lecteur aura une des rares occasions de découvrir vos personnages et l’ambiance de votre univers en couleur. En ayant vu la couverture, vos lecteurs seront tout de suite en immersion dans l’aventure que vous leur proposez de lire.

L1B122

Maintenant que nous savons à quel point il est important de bien penser son illustration de couverture, je vais vous montrer quelques exemples concrets pour que vous puissiez vous lancer vous aussi dans la réalisation de votre image de couverture.

Comment réaliser une illustration de couverture ? 

Pour créer son illustration de couverture il faut d’abord revoir les fondamentaux. Comme un être vivant, chaque illustration va être composée d’une squelette, d’une morphologie et d’un caractère.

Chaque illustration, pour être efficace, devra être réfléchie autant sur le fond que sur la forme. Il faudra donc faire les bons choix pour aller à l’essentiel tout en étant complet.

Pour le fond, les choix se porteront sur les éléments du sujet à montrer : le thème de l’œuvre, l’univers, l’ambiance, les personnages, les symboles, les indices qui donneront envie de lire la suite, etc.

Pour la forme, il s’agira de choisir comment représenter ces éléments : le média, le support, les typographies, le ratio image-texte, le format et bien sûr la composition, la répartition des éléments du fond sur l’image.

Le sujet

Votre dessin doit pouvoir représenter une situation, des émotions, un bout d’histoire issu de votre manga. Il est donc important de sélectionner comme sujet une partie qui reflète la situation dans laquelle votre héros se trouve au début ou bien pendant le tome. Sinon, vous pouvez montrer un objet ou un symbole clé nécessaire à l’évolution de votre histoire.

Définissez avec précision ce que vous allez montrer ou au contraire cacher. Le but n’étant pas de tout raconter avant même que le lecteur n’ait eu le temps d’ouvrir le livre.

Voici un exemple :  Pour « A Silent Voice », les couvertures montrent les protagonistes dans différents lieux à différents âges en fonction des tomes et de l’arc narratif compris à l’intérieur.

Le sujet est clairement la relation ambiguë entre nos deux héros tout le long de leur scolarité dans différents lieux clé. Cette ambiguïté est bien représentée ici par le langage corporel des deux personnages qui semblent se chercher tout en regardant dans des directions opposées.

Note : Avec cet exemple, on voit qu’une couverture se doit de représenter le contenu du tome pour une série et non l’histoire dans sa totalité. Ainsi, dans des mangas d’action, il peut y avoir des tomes plus sombres ou plus légers que d’autres. C’est l’illustration de couverture qui pourra alors nous renseigner.

719UBdHq6dL
« A Silent Voice » par Yoshitoki Oima
71myvhwwrGL
71gdutrjzLL

Des subtilités entre les tomes et pourtant, il est nécessaire de garder en tête ce que vous voulez raconter dans votre histoire en elle-même. On va rarement mettre des poneys licorne arc-en-ciel en couverture si l’histoire parle de faits historiques…

Il faut donc garder des liens avec votre histoire sans divulgâcher (spoiler) tout ou partie de l’histoire au premier coup d’œil. L’idéal serait d’arriver à faire se poser des questions aux lecteurs dès la page de couverture pour qu’ils soient tout de suite tentés d’ouvrir le livre pour y trouver des réponses. Ça peut se traduire par un personnage à l’allure mystérieuse, un héros intrigué, ou même une question écrite de but en blanc dans le décors : « Qui a tué le colonel Moutarde !? »

Si votre série cartonne et se décline en plusieurs tomes, créez une continuité graphique pour que l’on puisse reconnaitre et comprendre au premier coup d’œil que c’est la suite de vos aventures, comme par exemple avec « éclat(s) d’âme » de Yuhki Kamatani.

71uVoGwt28L
« Eclat(s) d’âme » par Yuhki Kamatani
81Ye1FPwS4L

C’est sur des illustrations de couverture que les symboles vont trouver toute leur utilité. Un symbole, c’est une représentation très simple d’un concept et qui est reconnu par la quasi-totalité des personnes.

Par exemple : une loupe représentera souvent le concept de la recherche ou plus spécifiquement l’intrigue policière. Ainsi, sur la couverture du manga Détective Conan, la présence de la loupe est un indice supplémentaire quant au contenu du livre.

Les illustrations de couverture sont limitées par leur format. Utiliser des symboles comme ça permet de véhiculer des informations habilement sans surcharger la composition. Le seul risque avec les symboles, c’est de tomber dans le cliché alors apprenez à doser !

Autre exemple ici avec la couverture du manga Albator

L1A89306

Sans avoir jamais lu ce livre, on peut tout de suite supposer qu’il sera question de pirates de l’espace grâce au drapeau orné d’une tête de mort, au fond étoilé et au vaisseau spatial.

Le média

Le media correspond à tous les outils et techniques que vous allez utiliser pour exprimer votre œuvre (oui, on parle d’œuvre là hehe).

En fonction du sujet, vous allez choisir des outils différents pour illustrer votre propos. La couverture, bien que généralement en couleur, peut aussi être en noir et blanc avec un petite touche colorée qui vient rendre le tout percutant.

Pour des histoires sombres autour de samouraïs, on peut imaginer une couverture faite entièrement au pinceau et à l’encre de Chine avec pour seule couleur, un peu de rouge dans le titre. Comme si l’auteur utilisait son pinceau tel un katana sur sa toile.

Kuru évoque aussi dans son article sur le manga shōjo que le choix de la technique a un impact sur l’interprétation qu’aura le lecteur de l’œuvre.

Généralement en manga, les couvertures représentent les héros et sont en couleur. Là encore, il est possible de varier les techniques : colorisation aux feutres alcool ou dessin numérique. Ce sont les deux médiums les plus utilisés juste avant l’aquarelle, qui se fait plus rare, ainsi que d’autres medium traditionnels.

dedale 1 doki
« Dédale » par Takamichi
9782811653521 001 T
« Card Captor Sakura » par CLAMP

Il est très important de noter que le médium que vous allez choisir doit refléter votre style, le style de votre histoire et comment vous souhaitez le montrer aux lecteurs. Ne faites pas une couverture à l’aquarelle juste parce que c’est « tendance », surtout si ça n’a rien à voir avec l’ambiance de votre livre et que vous n’en avez jamais fait !

Rien ne vous empêche, cependant, d’utiliser d’autres outils comme l’acrylique, l’encre, le crayon gris ou crayon de couleur. Le seul inconvénient est la gestion des couleurs. Car oui, sauf si votre histoire n’a pour but que d’être lue en numérique, il va falloir retravailler les couleurs avec l’aide d’un logiciel adapté comme Photoshop pour rendre l’impression fidèle à l’œuvre originale et ne pas se retrouver avec des surprises chez l’imprimeur.

Pour aller plus loin, je vous conseille les astuces d’Astate sur comment faire une BD en couleur dans le but d’être imprimée.

Dans le registre des comics, James Jean utilise plusieurs médias comme l’aquarelle, le fusain et le numérique pour la colorisation de ses illustrations de couverture.

illustration de couverture
« Fables » Tome 1, Par Bill Willingham et Lan Medina. Illustration de ouverture James Jean.

Vous pouvez mixer plusieurs médias, mais référez vous toujours à la ligne directrice de votre dessin et surtout à la destination de votre illustration (numérique ou papier).

La composition

Cette étape est cruciale pour la lisibilité de votre œuvre et c’est par ce biais qu’on peut rajouter encore quelques indices sur le contenu d’un tome.

Prenons tout de suite un exemple : Vous voulez représenter votre héros et sa Némésis sur la couverture de votre tome 1.

Si vous les mettez sur la feuille, de face, cote à cote, sur un même plan, vous avez rempli votre contrat mais on n’a pas forcément compris qu’ils étaient opposants.

Si au contraire, vous mettez votre héros au premier plan, en grand, en train de partir à l’aventure et en arrière plan une silhouette plus petite et menaçante, on comprend tout de suite que le personnage du fond va tenter de mettre des bâtons dans les roues du héros (personnage central de la composition). Rajoutez quelques éléments de décors, des personnages secondaires, des couleurs en adéquation avec le ton de votre œuvre et vous aurez déjà atteint quelque chose de plus abouti.

Il s’agit là d’un exemple très bateau mais qui vous montre comment on peut rendre les choses plus dynamiques en jouant seulement sur la composition.

Comme le dis Tohad dans ses vidéos, quelque soit votre niveau en dessin, les choix de composition feront toujours la différence.

Je vous invite d’ailleurs à découvrir ses conseils sur la composition si vous voulez approfondir un peu plus le sujet :

On commence donc par choisir son format : portrait ou paysage. Génériquement le format paysage exprimera un situation calme, posée et plutôt contemplative tandis le que format portrait exprimera quelque-chose de plus dynamique. Bien sûr, ce ne sont pas des règles gravées dans le marbre, la preuve ci-dessous !

1 062216
Nicolas Delort
1406835697 40486 148059565219320 506046 n
Goro Fujita

Il y a d’autres formats aussi, rond, carré, triangle, trapèze, mais nous sommes pas dans un cours de géométrie et ces formats sont assez peu utilisés en BD/Manga.

Dans le cadre d’une illustration couverture, même si le tome se lit généralement sur des pages en format portrait, rien ne vous empêche de faire un dessin de couverture au format paysage.

C’est le cas pour les manga Doubt et Judge de Yoshiki Tonogai par exemple.

Doubt
« Doubt » Tome 1 de Yoshiki Tonogai, Édition Ki-Oon
81G8MUvwnTL
« Judge » Tome 1 de Yoshiki Tonogai, Édition Ki-Oon

En ce qui concerne la composition de l’image, il est important d’apporter une dynamique narrative afin d’intriguer les futurs lecteurs comme je l’ai expliqué dans la partie sur le sujet.

Pour atteindre une composition d’une bonne lisibilité, il vaut mieux utiliser la règle des tiers. C’est-à dire tracer deux lignes à la verticale et à l’horizontale pour couper l’image en 9 parts égales et placer vos éléments importants ou vos points clés du mouvement de votre personnage sur les quatre intersections de ces lignes pour créer une lecture en « Z » fluide. 

asleep lecture z 2
La fleche rouge montre la lecture qu’effectues nos yeux automatiquement. Le cadriage gris montre les tiers

La lecture en Z est la première chose que font nos yeux quand ils voient une image pour la première fois, c’est à dire balayer l’image de haut en bas et de gauche à droite.

Note : Quand on a l’habitude de lire des mangas en sens japonais, notre cerveau bascule en mode lecture inversée. La couverture sera donc lue dans le même sens que les pages à l’intérieur. Pensez-y !

Pour ne pas faire doublon, je vous renvoie sur l’article de Karine sur les techniques de composition. Mais je vous remets ici quelques exemples de composition pyramidale, en diagonale ou suivant la spirale d’or.

JEAN LOUIS THEODORE GERICAULT La Balsa de la Medusa Museo del Louvre 1818 19 1024x699 1
« Le Radeau de La Méduse » , Théodore Géricault, 1818 – 1819, composition en triangle/pyramide
892424ee8472ecac014db573c23e8fb3 1024x688 1
Concept Art de « Shadow of the Colossus », composition en diagonale
Cabanel Lange dechu spiral 1024x660 1
« L’ange déchu », Alexandre Cabanel, 1847, composition en spirale d’or

Vous pouvez utiliser plusieurs formes dans une même illustration mais attention à ne pas tomber dans l’excès au risque que ça devienne illisible.

N’oubliez pas de laisser de la place pour votre titre, qui est un des éléments clés de votre composition. Pensez que même si vous ne le mettez pas directement dans votre dessin, le titre doit avoir une place bien à lui dans votre rendu final.

Conclusion

Pour terminer cet article sur comment faire des illustrations de couverture, je vous donne ce conseil : faites des croquis préliminaires pour vous assurez de l’harmonie de votre composition avant de dessiner sur votre support final. Faites plein d’essais ! Faites vos choix de fond, de forme et mettez tout ça ensemble sur vos brouillons pour assembler toutes les pièces du puzzle.

Ne dessinez sur votre beau papier que lorsque vous serez sûr de votre destination !

J’espère qu’avec tout ça, vous aurez trouvé les informations nécessaires à la réalisation de votre prochaine couverture. Sachez que tous ces éléments s’appliquent autant pour l’illustration de couverture de manga que de BD qu’elle soit imprimée ou numérique, mais qu’ils peuvent aussi servir pour une affiche publicitaire par exemple. Ces règles fonctionnent dans plein d’autres domaines ! 

N’hésitez pas à commenter si vous avez aimé cet article ou si vous avez des questions.

En attendant une prochaine démo où je réaliserai moi aussi une couverture de manga, je vous invite à me suivre sur Instagram.

À bientôt et surtout bons dessins !

Que pensez-vous de cet article ?
Laissez-nous votre avis

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires